J ai passé ma vie à construire et reconstruire , à boucher et déboucher les interstices, à colmater les brèches, à réparer le haut, le bas , l'endroit et l'envers du décors, à tout apprendre et tout essayer, m'obstinant et travaillant sans relâche, croyant à l'incroyable et repoussant l’inévitable, crédule et naïf, espérant voire l'effort récompensé le mérite gagner.
Mais aujourd'hui, je suis "fatigué patron".
Fatigué de devoir faire et refaire sans cesse le même travail, et de reconstruire brique par brique ce bâtisse distordue et fragile qu'est ma vie , et le regarder s'écrouler de nouveau. Et je sais maintenant que cet échec n'est pas "que" de ma faute.
Patron, tu as triché.
Tu m'a donné le talent et le savoir faire, le temps et les occasions d'essayer, le matériel et l'argent nécessaire et même le cite adéquat pour une belle bâtisse, mais tu ne m'a jamais donné la première chose nécessaire à quelconque construction valable: Le bon matériau ! Il est défectueux ton ciment ! Il ne prend pas !
Patron tu as triché. Tu t'es foutu de moi. Tu m'as regardé des années durant empiler pierre par pierre, brique par brique, étage par étage une mélasse, une bouse séchée, une merde sans nom qui ne pouvait qu'au final, que s'écrouler.
Et tu t'es fendu la poire, sans jamais me dire que cette saloperie ne pourrait jamais tenir le coup. Oh, je l'ai compris assez tôt mais je me suis dis naïvement et courageusement qu'avec du travail et de la persévérance, j'arriverai a en changer la nature, à la rendre solide et brillante, souple et résistante, suffisamment en tout cas pour en tirer quelque chose de bien. Mais là encore patron, tu as triché. Tu m'a fait croire à cette possibilité, tu m'as fait entrevoir régulièrement une possibilité, même infime de changement. Or je le sais maintenant , la nature du matériau de la vie, ne change jamais. On a ce qu'on a et faut faire avec. ET bien patron, j'ai fais et refais avec, suffisamment longtemps, mais là je suis fatigué. Je n'en peux plus, ça a trop duré et je ne crois plus à tes mensonges.
Alors Trouve- toi d'autres ouvriers de qui te moquer, d'autres pantins crédules dont tu pourra tirer les ficelles pour ta propre distraction car moi patron; je démissionne.
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