Le petit garçon a peur. Peu importe ce qu’il fait, il se sent mal. Il a cru un moment que la cloche avait sonné, mais non, ce n’était que la récréation ; il lui a fallu retourner en classe, et subir la discipline, toujours la discipline. Apprendre, toujours apprendre à être ce qu’il ne pourra jamais être : un homme. Et pourtant le petit garçon tient bon, il fait des efforts, ravale sa peur et fait ce qu’il doit. Mais son corps n’est pas d’accord. Il a mal, très mal, alors il s’invente des histoires pour se rassurer. Et à force de s’y noyer, il finit par s’y croire. Mais son corps n’est toujours pas d’accord et il lui fait payer cher. Le petit garçon souffre. Il y a une bête en lui. Un monstre velu qui le dévore de l’intérieur, doucement, tout doucement mais aussi surement que le sang qui coule dans ses veines. Alors pour oublier, pour s’oublier, le petit garçon se met à rêver à un monde meilleur, à des lendemains qui chantent et aux bonheurs possibles. Mais les rêves ne durent que le temps d’un rêve ! Au réveil, le petit garçon, se retrouve toujours assis face au tableau noir, enfermé dans son corps, surveillé par sa peur. Son corps a grandi et lui fait de plus en plus mal. Le monstre ne l’a pas quitté, pas un instant. Non, il a grandi avec lui, dans lui, tout au fond lui, dévorant ses entrailles, entravant ses muscles, écrasant ses os et déchirant son esprit de son venin malfaisant. Il aimerait tant que la classe se termine, que la cloche sonne le départ et qu’il retrouve la douce sécurité qu’il a connu un jour, une sérénité qui lui semble sortie d’un conte de fée. Peut-être l’a-t-elle rêvée, il ne saurait le dire. Peu importe, car cette maudite cloche ne sonne pas. Elle refuse. Elle est de mèche avec le monstre qui est en lui et ne sonnera pas avant qu’il ait pu le dévorer entièrement. Alors le petit garçon continue à faire ses devoirs, de mieux en mieux, de plus en plus, mais son corps n’est toujours pas d’accord. Il ne peut plus écrire, ses mains lui font mal, ses yeux le brulent, son dos se courbe, son ventre se tord, il a envie de vomir, il ne peut plus rien avaler, et son cœur s’arrache de sa poitrine. Sa respiration sifflante devient difficile, presque impossible, sa tête s’incline et le monde rétrécit devant ses yeux apeurés. Ses oreilles bourdonnent et Il n’entend plus que le ricanement bestial du monstre tapis au fond de ses entrailles. Il rit, se réjouit de sa pitance et se gave de sa substance. Alors le petit garçon décide de s’en aller avant que la bête ait finit sa salle besogne. Il se lève, prend son courage à deux mains, avance péniblement mais fièrement sur ses jambes vacillantes, affrontant le regard du surveillant, supportant les jugements et railleries de ses camarades de classe, et se dirige vers la porte. Mais la porte reste verrouillée de l’extérieur. Tanpis ; il se cogne contre la porte, les murs, les fenêtres, encore, encore et encore …. Mais les ils refusent de céder. Il est condamné à attendre la fin de la classe, à attendre cette maudite cloche. Et à finir ses devoirs…..Le surveillant sourit méchamment en le raccompagnant à sa place. Le petit garçon a vieillit. Il ne reste presque plus rien de lui, que quelques cheveux blancs, et des regrets.
Patience mon petit garçon. Je suis avec toi, je l’ai été à chaque instant et depuis toujours. Fais-moi confiance la classe sera bientôt finie. Le monstre sera repu et nous pourront bientôt rentrer à la maison. Encore un effort, encore un devoir….. Et nous serons enfin, libres.
KT